Une Eglise proche des gens
François affirme qu’il n’a pas changé depuis qu’il est devenu Pape: «Changer à 76 ans, c’est revenir à se maquiller» dit-il. Certes, il ne pas faire tout ce qu’il veut, mais il a gardé en lui ce côté prêtre de la rue qui souhaite rester proche des gens. Ce qu’il craint le plus pour l’Eglise, c’est qu’elle s’éloigne des gens. Le cléricalisme est selon lui «le pire mal qui puisse aujourd’hui frapper l’Eglise». Un pasteur anesthésié s’éloigne de la réalité concrète du monde et devient un fonctionnaire. «Une Eglise qui n’a pas le sens de la proximité n’est pas une Eglise», c’est une ONG qui fait de la bienfaisance. Or la proximité, dit François, «c’est pouvoir toucher dans son prochain la chair du Christ».
Les Saints font la révolution
François critique le fait que l’on parle «avec facilité de la corruption de la Curie Romaine». «Il y a des corrompus», admet-il, mais il y a aussi de nombreux Saints. Des personnes qui ont sacrifié leur vie au service des autres. Ce sont eux les véritables acteurs de l’histoire de l’Eglise. Ceux qui «ont brulé leur vie pour concrétiser l’Evangile. Ces saints sont ceux qui nous ont sauvés». C’est, explique le Saint-Père, la révolution des saints. Des Saints qui sont aussi des pères, des mères, et des grands parents qui travaillent chaque jour dans la dignité, et qui par leur témoignage de vie, font avancer l’Eglise. C’est pour François «la classe moyenne de la sainteté», et «la sainteté de ces personne est immense».
Oui aux critiques fraternelles et ouvertes
Le Saint-Père répond à une question sur les réactions des courants plus traditionnels qui interpèretent tout changement comme une trahison de la Doctrine : «Je ne fais aucune révolution, j’essaie seulement de faire avancer l’Evangile», dit-il. Mais «la nouveauté de l’Evangile crée la stupeur car elle est essentiellement scandaleuse». Le Pape explique qu’il ne sent pas incompris, mais «accompagné par toutes sortes de personnes, les jeunes, les anciens… ». «Si quelqu’un n’est pas d’accord, suggère-t-il, qu’il soit toujours prêt à dialoguer. Qu’il ne lance pas la pierre en cachant la main». Agir ainsi c’est de la délinquance. Tous ont le droit de discuter. La discussion rapproche, pas la calomnie.
Théologie de la libération
Pour le Pape, la Théologie de la libération «a été positive en Amérique Latine. Le Vatican en a condamné la partie qui optait pour une analyse marxiste de la réalité». Le Cardinal Ratzinger a écrit deux instructions. Une très claire sur l’analyse marxiste, et l’autre tournée sur les aspects positifs. «La Théologie de la libération a eu des aspects positifs et des déviations».
Une économie qui tue
Le Saint Père réitère ses propos : «Nous vivons la troisième guerre mondiale par morceaux». Et maintenant, on parle d’une possible guerre nucléaire comme s’il s’agissait d’un «jeu de cartes». Il se déclare inquiet face aux inégalités économiques, par un «petit groupe de l’humanité qui détient 80% des richesses». Ce qui signifie qu’ «au centre du système économique il y a le Dieu argent, et non l’homme et la femme». Nous sommes dans une «économie qui tue» et qui engendre «cette culture du déchet»
Ne pas juger Donald Trump trop tôt
A propos du nouveau président des Etats-Unis, François affirme : «Nous verrons ce qui arrivera. Je n’aime pas anticiper les faits, ni juger la personne trop tôt… Nous verrons ce qu’il fera et nous évaluerons. Toujours sur le concret. Le christianisme est concret ou ce n’est pas du christianisme».
En période de crise nous cherchons un sauveur : Voilà le populisme
François parle avec inquiétude du populisme, en se référant plus au populisme européen qu’au populisme latino-américain. Il cite l’exemple du nazisme en Allemagne : un pays détruit qui «cherche son identité» et cherche un leader en mesure de la lui restituer. Il trouve Hitler qui «a été voté par son peuple et qui, successivement, l’a détruit. C’est cela le danger. Il y a un manque de discernement en période de crise. Nous cherchons un sauveur qui nous restitue une identité et nous nous défendons des autres peuples qui pourraient nous priver de cette identité avec des murs, des fils barbelés, avec n’importe quoi. C’est très grave, dit le Saint-Père ; Je répète sans cesse : dialoguez entre vous».
Sauver, accueillir et intégrer les migrants
Le Pape revient sur la question des réfugiés. «La Méditerranée est devenue un cimetière, ça doit nous faire réfléchir ». Il rend hommage à l’Italie qui, malgré tous les problèmes liés au tremblement de terre, continue d’accueillir des migrants. Il s’agit d’hommes, de femmes, d’enfants, qui fuient la famine et la guerre. Avant tout chose, affirme François, «il faut les sauver», puis «les accueillir et les intégrer». Chaque pays, souligne-t-il, a le droit de contrôler ses frontières, mais «aucun pays n’a le droit de priver ses propres citoyens du dialogue avec ses voisins». Le Pape rappelle l’engagement de l’Eglise, souvent dans le silence, en faveur de l’accueil des immigrés.
Construire des ponts, pas des murs
La diplomatie vaticane, explique François, construit des ponts, pas des murs. Elle est médiatrice, pas intermédiaire. C’est-à-dire que son action en faveur de la paix et la justice ne sert pas ses propres intérêts mais ceux des populations.
Le rôle des femmes : non au machisme en jupon
Le Saint-Père rappelle le drame de l’esclavage des femmes, exploitées sexuellement. Il évoque la nécessité de valoriser le rôle de la femme dans l’Eglise. «L’Eglise, dit-il, est (un mot) féminin» : il ne s’agit pas d’une «revendication fonctionnelle» parce que l’on risquerait de créer un «machisme en jupon». Il s’agit en réalité de faire beaucoup plus afin que la femme «puisse offrir à l’Eglise l’originalité de son être et de sa pensée».
La santé de Benoît XVI
A la question posée sur l’état de santé du Pape émérite, il avoue que le problème de Benoît XVI sont ses jambes. Il marche à l’aide d’une canne. Mais, tient à préciser François : «Il a la mémoire d’un éléphant jusque dans les moindres détails».
La télévision
François admet qu’il ne regarde plus la télévision depuis 25 ans. «Simplement, dit-il, parce que à un certain moment j’ai senti que c’est Dieu qui me le demandait. Je lui ai fait cette promesse le 16 juillet 1990 et la télé ne me manque pas».
Dieu ne m’a pas ôté ma bonne humeur
Le journaliste d’El Pais affirme dans sa conclusion avoir rencontré un homme heureux d’être Pape. François lui répond : «Le Seigneur est bon et ne m’a pas ôté ma bonne humeur».
JCP – El Pais, Tratto dall’archivio della Radio Vaticana