« A 30 ans, combien gagnez-vous ? » est une série d’articles du site Rue89, consacrés à ce qui se passe dans le portefeuille des trentenaires.
Quand il était plus jeune, Cyrille Janssen avait déjà envisagé d’endosser l’habit de prêtre. Ayant grandi dans une famille chrétienne et pratiquante, cette voie lui paraissait plutôt séduisante. Puis, comme tous les enfants, d’autres plans se sont glissés dans son esprit. Il a eu une vague envie de devenir architecte, médecin ou de travailler dans les relations franco-allemandes, mais il a fini par suivre le modèle familial :
Dans une fratrie de quatre enfants, nous sommes trois à avoir fait une école de commerce. A l’époque, même si je ne savais pas trop ce que je voulais faire de ma vie, je n’étais pas insensible à l’idée de choisir un métier qui rapporte de l’argent.
L’homme de 33 ans se souvient :
J’ai grandi avec l’idée que l’argent ne tombe pas du ciel. Je voulais avoir les moyens qui allaient avec mes envies. J’ai d’ailleurs rapidement cumulé les petits boulots, notamment en donnant des cours de soutien scolaire.
Son bac ES en poche, Cyrille poursuit son parcours en classe préparatoire à Franklin, à Paris. « C’était plus par orgueil et par challenge que par vocation », analyse-t-il. A 20 ans, il intègre l’Edhec à Lille et profite de sa liberté étudiante. Pendant six mois, le jeune homme joue « à fond » la carte de l’école, mais s’interroge :
Nos profs n’arrêtaient pas de nous répéter que lorsqu’on sortirait de l’école, on aurait un CDI et un bon salaire. Moi, je me posais beaucoup de questions. J’étais tiraillé entre cette pression sociale qui nous pousse à la réussite et cette vocation religieuse, synonyme aussi de pauvreté, qui mûrissait au fond de moi. Je ne me sentais pas vraiment à ma place.
A la fin de sa première année d’école, à force d’en discuter autour de lui, Cyrille comprend que Dieu a autre chose en tête pour lui.
Cet été-là, je me suis rendu compte qu’il y avait plus de joie à donner qu’à recevoir. Me mettre au service des autres de façon gratuite et simple comblait davantage mon cœur que les grosses rémunérations et les perspectives d’embauches.
Sa décision est prise : il sera prêtre. Mais avant de franchir le pas du séminaire, il choisit de finir son école de commerce. Par crainte d’être étiqueté par ses camarades, il reste discret sur ses ambitions.
A 23 ans, Cyrille rentre alors au séminaire pour sept ans d’études. Durant toute cette période, il est logé, nourri et blanchi et reçoit chaque mois une indemnité de 250 euros.
C’est peu, mais ça nous apprend à discerner ce dont on a vraiment besoin et à avoir l’humilité de demander un coup de main quand on en a besoin.
Le sourire en coin, il enchaîne :
En tout cas, il est certain que j’ai fait dégringoler les statistiques de l’école concernant le salaire à la première embauche.
Ordonné prêtre à 30 ans, Cyrille, qui en a aujourd’hui 33, est vicaire à l’église Notre-Dame-de-la-Gare, dans le 13e arrondissement de Paris. Un statut qu’il occupe 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Comme tous les autres prêtres, il ne perçoit pas de salaire à proprement parler puisqu’il ne dispose d’aucun contrat de travail. Dépendant du régime des cultes, il touche ce qu’on appelle un « traitement », établi sur la base d’un barème arrêté par les évêques. A Paris, cette somme intègre le versement de 20 offrandes de messes célébrées. Le traitement de Cyrille s’élève à 1.111,92 euros net par mois. Il ne dispose d’aucune autre source de revenus.
Cette somme est juste et amplement suffisante. Elle est en cohérence avec notre message évangélique : mener une vie simple et modeste, à l’exemple du Christ. C’est cette forme de vie qui nous rend disponibles et attentifs aux autres.
- Revenus :
- Un « traitement » : 1.111,92 euros net par mois
- Dépenses :
- Nourriture : entre 350 et 400 euros par mois
- Facture de téléphone : 15 euros par mois
- Loisirs : 30 euros pour l’achat de livres et sorties culturelles
- Frais de transport : environ 250 euros, dont 29,80 euros de tickets de métro
- Mutuelle : 43 euros par mois
- Dons : entre 200 et 250 euros par mois
Louise Auvitu.