Deux semaines après reçu les prêtres du diocèse de Lyon, le Pape François a reçu ce matin une nouvelle délégation lyonnaise. Il a accordé une audience à un groupe d’enseignants et d’élèves de l’Institution des Chartreux, un lycée privé qui accueille 4000 jeunes, inscrits notamment dans des classes préparatoires aux écoles de commerce. François les a invités à trouver dans leur formation chrétienne des outils pour œuvrer en faveur de la justice sociale, et à ne pas vivre dans le seul rythme de la compétition économique.
Avec bienveillance et fermeté, le Pape François a lancé un avertissement à ces jeunes dont certains travailleront «dans le monde de la finance internationale»: «il est essentiel que, dès à présent et dans votre vie professionnelle future, vous appreniez à rester libres à l’égard de la fascination de l’argent, de l’esclavage dans lequel l’argent enferme tous ceux qui lui vouent un culte. Et il est important aussi que vous puissiez acquérir aujourd’hui la force et le courage de ne pas obéir aveuglément à la main invisible du marché.»
En s’appuyant sur «la plongée dans l’histoire» vécue par ces étudiants en pèlerinage à Rome cette semaine, le Pape les a invités à prendre conscience de leur responsabilité: «Je vous invite à devenir responsable de ce monde et de la vie de chaque homme. N’oubliez jamais que chaque injustice contre un pauvre est une blessure ouverte, et qu’elle amoindrit votre dignité elle-même. Et, même si ce monde attend de vous que vous soyez performants, donnez-vous les moyens et le temps de parcourir les chemins de la fraternité, de construire des ponts entre les hommes plutôt que des murs.»
Enfin, François a invité ceux qui ont la foi chrétienne à tout remettre à Dieu dans la prière «pour ne pas succomber à la tentation du découragement ou du désespoir».
Il s’est aussi adressé à ceux qui ne sont pas chrétiens en les invitant à avoir conscience du fait que «l’homme passe infiniment l’homme», une citation d’un grand philosophe français qu’il apprécie beaucoup et qu’il aimerait béatifier : Blaise Pascal.
Texte intégral du pape :
«Chers frères et sœurs,
c’est avec joie que je vous accueille dans le cadre du séjour culturel et spirituel que vous accomplissez ici à Rome. Avec vous, je salue cordialement le Supérieur de l’Institution des Chartreux et les professeurs qui vous accompagnent, sans oublier tous ceux qui sont restés à Lyon.
Vous êtes engagés dans un cursus d’études qui vous prépare à entrer dans des grandes écoles commerciales et qui, le moment venu, vous permettra d’exercer une profession dans le monde de la finance internationale. Je me réjouis de savoir que votre formation académique intègre une forte dimension humaine, philosophique et spirituelle, et j’en rends grâce à Dieu. Car il est essentiel que, dès à présent et dans votre vie professionnelle future, vous appreniez à rester libres à l’égard de la fascination de l’argent, de l’esclavage dans lequel l’argent enferme tous ceux qui lui vouent un culte. Et il est important aussi que vous puissiez acquérir aujourd’hui la force et le courage de ne pas obéir aveuglément à la main invisible du marché. C’est pourquoi je vous encourage à profiter de votre temps d’études, pour vous former à devenir promoteurs et défenseurs d’une croissance dans l’équité, les artisans d’une administration juste et adéquate de notre maison commune, à savoir le monde (cf. Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 204).
Ici, à Rome, vous vivez une forme de plongée dans l’histoire qui a si fortement marqué l’émergence des nations européennes. En admirant ce que le génie des hommes et les espérances qu’ils ont cultivées ont été capables de réaliser, ayez à cœur, vous aussi, de laisser votre empreinte dans l’histoire. Car vous avez la capacité de décider de votre avenir ! C’est pourquoi, je vous invite à devenir responsable de ce monde et de la vie de chaque homme. N’oubliez jamais que «chaque injustice contre un pauvre est une blessure ouverte, et [qu’elle] amoindrit [votre] dignité elle-même» (Catéchèse, 20 septembre 2017). Et, même si ce monde attend de vous que vous soyez performants, donnez-vous les moyens et le temps de parcourir les chemins de la fraternité, de construire des ponts entre les hommes plutôt que des murs, d’apporter votre pierre à l’édification d’une société plus juste et plus humaine.
Dans cette perspective, j’invite ceux qui, parmi vous, sont chrétiens à rester connectés au Seigneur Jésus par la prière, pour apprendre à remettre tout à Dieu et, ainsi, pour ne pas succomber à la tentation du découragement ou du désespoir. Je voudrais dire aussi, avec respect et affection, à ceux qui ne sont pas chrétiens : n’oubliez jamais dans le regard porté sur les autres et sur vous-mêmes que «l’homme passe infiniment l’homme» (Blaise Pascal, Pensées, fragment 122). Et je vous encourage, tous, à œuvrer pour le bien, afin de devenir humblement la semence d’un monde nouveau.
Avec cette espérance, en confiant chacun de vous au Seigneur pour que vous puissiez faire grandir la culture de la rencontre et du partage au sein de l’unique famille humaine, j’appelle de grand cœur sur vous, sur les personnes qui vous accompagnent, ainsi que sur vos familles et sur l’Institution des Chartreux, la bénédiction du Seigneur.»
CV, Radio Vatican.