L‘archevêque Mieczyslaw Mokrzycki, qui exerça les fonctions de secrétaire particulier de deux papes successifs (Jean Paul II et Benoît XVI) au cours de sa vie, a livré dans Mardi était son jour préféré (éditions des Béatitudes, 2016) des souvenirs passionnants qui renseignent sur la vie de tous les jours du saint. « J’ai vu des choses que personne d’autre n’a pu voir », peut légitimement affirmer Mieczyslaw Mokrzycki. Extraits.
5 heures – 5 heures 30 – L’heure du réveil
Jean Paul II se levait d’ordinaire entre 5 heures et 5 heures 30. Il dormait cependant rarement plus de six heures et demie. Il se réveillait toujours de lui-même, de manière très ponctuelle. Il possédait certes un réveil dans sa chambre, mais je n’ai pas le souvenir de l’avoir vu s’en servir ne fût-ce qu’une fois.
Tout de suite après s’être levé, le premier geste du Pape était de se mettre à prier. Puis, il prenait une douche, toujours glacée — ce qui, prétendait-il, était bien meilleur pour la santé. Il se préparait alors rapidement pour se rendre à la chapelle pour y méditer et célébrer la sainte messe.
7 heures – La sainte messe
Je dois également ajouter que, lorsque Jean Paul II se trouvait dans la chapelle, juste avant de célébrer la messe, il prenait toujours soin de se munir de deux petites feuilles de papier, sur lesquelles était écrite la liste de la totalité des employés de la maison pontificale. Il prenait alors le temps de lire patiemment chaque nom, afin de prier pour eux et leurs familles, avant de bénir la liste d’un signe de croix.
Après avoir dit la messe, Jean Paul II donnait toujours rendez-vous aux personnes qui venaient de recevoir l’Eucharistie de ses mains, dans la bibliothèque qui est située au troisième étage du palais apostolique. Là, il avait avec eux une petite conversation. Une fois ses invités partis, il retournait alors à la chapelle pour prier de nouveau.
8 heures 15 – Le petit-déjeuner
La journée du Pape ne commençait, à proprement parler, qu’une fois son petit-déjeuner terminé, aux alentours de 8 heures 30. En traversant les couloirs qui menaient du réfectoire à ses appartements, il feuilletait rapidement la presse, afin de se tenir informé de ce qui se passait dans le monde. Une fois parvenu dans sa chambre, il s’asseyait alors à son bureau et accomplissait quelque tâches administratives, visant et ratifiant des documents. Mais il s’adonnait surtout à la lecture des textes liturgiques et des réflexions sur les saintes Écritures. Chaque matin, un épais classeur de documents signés de sa main était renvoyé au secrétariat : il en allait de même le soir.
Les documents étaient très soigneusement rangés et présentés. Il y avait d’un côté, un classeur contenant des documents en attente de sa signature, et de l’autre des documents qui lui étaient plus personnellement adressés, comme par exemple sa correspondance avec différents cardinaux du monde entier, mais aussi avec des évêques ou des hauts responsables politiques. Certaines lettres, plus formelles, lui étaient adressées de la part du secrétariat d’État, du substitut, des préfets de congrégation ou du bureau de presse. Mais je peux vous assurer d’une chose : quelle que fût la nature du courrier qu’il tenait entre ses mains, Jean Paul II lisait la moindre lettre qui lui était transmise, en entier. Il ajoutait toujours des commentaires par ici ou des notes par là : pas une feuille ne demeurait vierge. Il demandait, par exemple, à recevoir telle personne pour qu’elle l’entretienne d’un sujet précis, ou alors à telle autre de répondre en son nom, parce qu’il la jugeait plus qualifiée ou savante que lui sur un problème concret. Parfois, il se contentait de griffonner un petit mot pour dire qu’il avait bien lu la lettre en question.
9 heures – Écriture des discours, des sermons et des homélies
Après sa fracture du bras, Jean Paul II n’était plus en mesure d’écrire lui-même, du moins pas de manière prolongée. Il dictait donc tout, et mon rôle consistait, précisément, à prendre des notes et à rédiger pour lui. Il dictait toujours tout de tête, sans jamais se référer à un livre ou à des textes scientifiques. Tout lui revenait en mémoire de manière très naturelle, car il avait véritablement médité et réfléchi sur tous les sujets auxquels il s’était intéressé. Quoi qu’il me dictât, tout était toujours d’une précision et d’une limpidité qui rendaient absolument superflue la moindre correction.
11 heures
Avant les audiences, le Saint-Père se rendait toujours sur la terrasse du palais apostolique et priait le saint rosaire. Puis, il retournait à la chapelle. C’est dans la bibliothèque du deuxième étage que se déroulaient ses audiences officielles. Une fois ces dernières achevées, il retournait alors de nouveau à la chapelle.
13 heures 30 – Le repas
Le Pape reçoit très souvent des invités déjeuner, c’est une vieille tradition : Jean Paul II ne coupait pas à la règle et avait donc presque toujours quelqu’un à sa table. Les convives se retrouvaient dans le palais apostolique avant 13 heures 30. C’est là que le Pape les accueillait pour les conduire à la chapelle, où ils priaient tous ensemble un bref instant. Cette prirère était d’ailleurs renouvelée après le repas. Lorsque je raccompagnais les invités, le Pape était replongé profondément dans ses prières.
15 heures – 16 heures 30 – Les lectures
Nous suivions un planning précis : certains jours, c’est moi qui me chargeais de la lecture pour le Pape, d’autres, c’était au tour de monseigneur Eufrozyna. Jean-Paul II, à cette occasion, s’allongeait sur son lit et fermait à moitié les yeux, écoutant attentivement. Il lui était parfaitement impossible de lire tous les livres que lui envoyaient des particuliers ou des maisons d’édition.
Dès qu’il recevait un nouvel ouvrage, la plupart du temps sous forme de cadeaux lors des audiences du mercredi, il se chargeait, lui-même, de faire immédiatement le tri. Une première pile était destinée à la bibliothèque. Une seconde était envoyée au bureau pour une lecture ultérieure. Et une troisième était constituée des livres que le Pape se réservait pour les vacances qu’il passait dans le palais des papes de Castel Gandolfo. Enfin, certains livres étaient mis de côté pour la sœur ursuline Emilia Ehrlich. Elle n’était pas employée du Vatican mais venait rendre visiter au Saint Père tous les lundis afin de l’entretenir de certains sujets littéraires et lui parler de certains extraits de livres qu’elle avait lus. Cela donnait toujours lieu à une brève et vive conversation entre eux. Elle attirait, par exemple, l’attention du Pape sur certains aspects, afin de les clarifier, tandis que le Pape lui posait des questions et s’enquérait de détails.
17 heures – La signature des documents
Après le temps imparti à la lecture de livres, le Saint-Père disait les vêpres. Puis, il devait de nouveau signer une pile de documents, tout comme le matin. Il n’y avait jamais moins de 30 ou 40 documents à signer de sa main : par exemple, des nominations épiscopales.
18 heures – 19 heures 30 – Les audiences
Les audiences de l’après-midi étaient toujours réservées aux membres du cercle rapproché de Jean Paul II ainsi qu’à ses collaborateurs. Les lundis et les jeudis, il s’agissait du Secrétaire d’État. Les mardis, c’était le tour du substitut, qui dirige le département des Affaires générales au secrétariat d’État. Les mercredis, Jean Paul II recevait le ministre des Affaires étrangères du Vatican, responsable des relations étrangères. Les vendredis étaient consacrés à une rencontre avec le cardinal Joseph Ratzinger, préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, qui allait devenir Pape à son tour sous le nom de Benoît XVI. Le dimanche, Jean Paul II recevait le préfet de la congrégation des évêques.
19 heures 30 – Le dîner
21 heures – 22 heures 30 – La lecture
Le Saint-Père se faisait lire des livres d’une étonnante variété et portant sur un grand nombre de sujets. Il pouvait tout aussi bien s’agir de littérature que d’histoire, de philosophie, de théologie ou de science. Lorsqu’il me demandait de lui lire un livre de dogmatique ou de théologie, il arrivait très souvent qu’il m’interrompît pour me dire : « Allons directement au chapitre d’après ! » J’arrêtais alors ma lecture, tournais quelques pages et reprenais au début du chapitre suivant. Mais alors, il n’était pas rare qu’après quelques minutes il m’interrompît de nouveau pour me dire : « Je sais déjà cela… Allons au chapitre d’après ! ». Avec le recul, je crois que sa connaissance excédait bien souvent celle des auteurs dont il me demandait de lui lire les ouvrages.
22 heures 30 – Regard sur Rome
Jean Paul II achevait presque toujours sa journée de la même manière. Aux alentours de 10 heures 30 ou 11 heures, il ouvrait la petite fenêtre de sa chambre et se mettait alors à contempler Rome, plongeant son regard sur l’immensité de la ville, pendant de longues minutes. Alors, il faisait un signe de croix vers le ciel. Je crois qu’il s’agissait d’une bénédiction pour le monde.