La terre peut s’arrêter de tourner ; la politique des hommes peut s’enfoncer dans le cancan permanent ; le monde professionnel peut se transformer en jungle d’agressivité ou de paresse ; la vie sentimentale des hommes peut s’apparenter à un désert rempli de scorpions et de serpents ; le monde économique peut trembler de toute part et menacer de s’effondrer à la prochaine crise ; l’éducation peut se muter en parcours d’obstacles pour détourner les plus fragiles ; les arts et les artistes peuvent se jeter à corps perdu dans l’abîme de l’obscénité et de l’immoralité ; le climat et l’environnement peuvent devenir fous à cause de la voracité humaine ; la culture peut s’appauvrir au point de ne promouvoir que les idées de mort ; la jeunesse peut se laisser gangréner par la violence ; le sport peut pourrir à cause de l’argent ou du dopage ; les religions peuvent être contaminées par la critique, l’idiotie et même la haine ; les familles peuvent exploser les unes après les autres, faiblesse après faiblesse, égoïsme après égoïsme, blessure après blessure ; les âmes peuvent être abîmées par les superstitions et les magies … bref, la misère peut se répandre partout sur la planète, et même dans nos vies, nous, debout, nous résistons, car notre part d’héritage et notre coupe, c’est la Miséricorde !
La proclamation du mystère de la Miséricorde ne s’est pas arrêtée le 20 novembre 2016, lorsque le pape François a fermé la porte du Grand Jubilé à la Basilique Saint-Pierre ! Au contraire, tout a commencé à ce moment-là. En Martinique, nous avions choisi de fermer les cinq portes de la Miséricorde en sortant dans les rues. Ainsi, à chaque fois, la porte ne s’est pas refermée sur un peuple calfeutré à l’intérieur d’un bâtiment, terrorisé par le monde où Satan déchaîne ses suppôts, mais la porte s’est refermée sur une Eglise Catholique audacieuse, « en sortie », témoin de la Joie de l’Évangile, selon le mot du pape François.
L’Église est la première réponse de Dieu à ce monde terrassé par l’ennemi : une « Église-manif », manifestation permanente de sa Miséricorde. Plus les ténèbres semblent progresser, plus les fils et les filles de Lumière sont de sortie ; plus le péché les accable, plus ils sont des témoins joyeux d’une Espérance qui n’est pas de ce monde !
Saint Jean-Paul II disait, en canonisant sainte Faustine, que la « Miséricorde est le don que le Christ fait au monde par son Église à l’aube du 3éme millénaire ». C’est pourquoi, mes amis, n’oubliez pas la Miséricorde ! Jésus crucifié a été transpercé d’une lance ; de son Cœur ouvert ont jailli du sang et de l’eau. Une fois ressuscité, Il n’a pas voulu refermé cette blessure ; au contraire, c’est de ce Cœur transpercé que continuent de jaillir, jusqu’à la fin des temps, les grâces qui sauvent les hommes des filets des enfers…
Lors du Jubilé, la Miséricorde a rendu droit les sentiers, comblé les vallées, abaissé les collines, rendu la vue aux aveugles, ramené les cœurs des fils vers leur père, fait courir les boiteux et entendre les sourds ; elle a guéri les cœurs brisés, libéré les captifs, consolé les affligés, comblé de biens les affamés, renversé les puissants de leur trône et élevé les humbles ; elle a réconcilié les cœurs divisés, fait la paix là où il y avait la division, chassé les puissances de ténèbres, converti les grandes pécheresses, retourné les pécheurs, fait régner la Paix aux frontières ; elle a donné aux cœurs purs de voir Dieu, aux miséricordieux d’obtenir Miséricorde ; elle a rassasié les assoiffés de Justice ; elle a donné le Royaume de Dieu en héritage aux pauvres ; aux doux, elle a confié la terre ; elle a redressé ce qui était courbé, réchauffé ce qui était froid. En un mot, la Miséricorde a ressuscité ce qui était mort ; par elle, Celui qui était mort est devenu Vivant !
A ceux qui ont choisi de la suivre dans le désert de ce monde, pas question de retourner en Égypte, on ne peut plus reculer, reculer ; il nous faut avancer, avancer…
+ Fr David Macaire
Archevêque de Saint-Pierre et Fort-de-France
Article original sur martinique.catholique.fr