Au cœur de Lyon, à l’angle des rues Vaubecour et Plessier, dans un quartier résidentiel près de la gare de Perrache, un café presque comme un autre. Peu de signes identitaires ostensibles si ce n’est une mini-crèche discrète vers l’entrée et une exposition de photos en noir et blanc sur les chrétiens d’Orient. Au bar, le livre de la philosophe Simone Weil Désarroi de notre temps est exposé en permanence. Ceci explique cela ; c’est cette personnalité trait d’union entre plusieurs mondes, mystique ayant refusé d’être baptisée, qui a donné son nom au bar inauguré en présence du cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, le 13 mai 2016. « Nous assumons notre identité mais nous ne la brandissons pas comme un étendard agressif», commente Grégoire, un des deux salariés de l’établissement, épaulés par une cinquantaine de bénévoles.
Ce mardi en début de soirée, quelques clients sont attablés dans une ambiance calme voire studieuse, la majorité travaillant sur leurs ordinateurs. Céleste, étudiante en DUT gestion entreprises et administrations, stagiaire, est au service du bar qui propose boissons et petite restauration à des prix compétitifs. Quant à Grégoire, il fait visiter l’espace de coworking à un journaliste intéressé par le service proposé : un espace avec mezzanine au design sobre, très lumineux (une campagne de dons va bientôt permettre de l’équiper de rideaux), équipé de 44 places de travail, de la fibre optique très haut débit, d’une imprimante, d’un accès indépendant ouvert 24 sur 24 et 6 jours sur 7 et de profonds casiers où ranger sacs de sports ou tablettes. « Ce sont les co-workers qui assurent la co-gérance du lieu. Le principe de subsidiarité se vit vraiment. Depuis trois mois, une très belle amitié s’est constituée entre eux. Ils ont déjà organisé des goûters, une pétanque et ils s’entraident professionnellement, certains porteurs de projets étant aussi parrainés ou coachés par des membres très expérimentés du CCES (Comité des cadres et Entrepreneurs du Simone)», témoigne Grégoire.
Un lieu de rencontres et de brassage
Si l’espace de coworking permet ainsi d’être en phase avec une nouvelle configuration du travail (free-lance, auto-entrepreneurs, télé-travail…) de l’observer et de contrebalancer son individualisation, « l’origine et la vocation du Simone, le cœur de l’association, ce sont les conférences sur des sujets d’actualité. Elles regroupent au minimum 30 personnes et jusqu’à 70. Les échanges y sont simples et vrais et se terminent toujours par un verre », précise Grégoire. Ateliers multi-thématiques (doctrine sociale de l’Eglise, éducation, santé, géopolitique ou sur le terrorisme co-organisé par les Altercathos avec des associations de citoyens musulmans…), soirées chansons, jeux de société, poésie ; « Les activités attirent des gens très différents et qui se rencontrent de plus en plus », affirme Grégoire (photo). Et d’évoquer des jeunes étudiants en médecine qui organisent des soirées de discussion avec des réfugiés du réseau Service Jésuite des Réfugiés (JRS) pour parfaire leur français ou encore des équipes des Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens (EDC) qui vont venir réfléchir sur la réinsertion.
Ce mardi soir, c’est un groupe de l’association d’éducation populaire « Les cités d’Or » qui y partage la galette. « Cathos de droite et de gauche, syndicalistes CGT, patrons, demandeurs d’emploi, nous arrivons à brasser des couleurs très différentes. Dans l’association, nous refusons les clivages entre cathos tradi et cathos progressistes ; la dignité d’un migrant et d’un embryon humain est la même. Ce que nous cherchons, c’est à repolitiser les catholiques afin qu’ils ne séparent pas la vie dans l’espace public et la religion chez soi », explique Grégoire. « Notre génération JMJ est vierge de ces oppositions, de ces combats qui ne nous parlent même pas et la doctrine sociale de l’Eglise permet de faire l’unité », renchérit Paul Colrat, enseignant en philosophie, président des Altercathos.
Pendant trois ans, leurs conférences se sont tenues dans divers locaux. Le Simone leur permet à la fois « d’avoir leur local propre, d’en faire un lieu de vie, de pouvoir y inviter des amis et d’avoir pignon sur rue ».
Chantal Joly.