Pour soulever un débat sur des problématiques importantes et faire avancer des opinions vers plus de liberté, est-il besoin d’avancer les sujets avec force en choquant ? Voilà une question que je me pose après avoir vu le premier épisode de la série « the Young Pope » diffusée dans le monde et en France ces derniers mois. Le réalisateur prétend ouvrir le débat grâce à ce jeune Pape fictif, Pie XIII, incarné par Jude Law, excellent acteur par ailleurs.
François ou Pie XIII ?
Nous sommes désormais avec deux types de papes : lequel va enfin faire bouger le Vatican ? François, élu en 2013, qui cherche patiemment, calmement, dans l’écoute à ouvrir l’Eglise à l’application du concile Vatican II, à l’attention aux pauvres, aux familles, à la quête de plus d’humilité. Depuis son Pontificat, nous sommes témoins d’un désir d’ouverture, d’hospitalité, de retournements évangéliques, en faisant cheminer les personnes en même temps que les sujets complexes touchant notamment à la sexualité. François a montré un souci constant d’ouvrir un certain nombre de débats.
Et voilà que le cinéma américain nous propose un autre Pape, Pie XIII, qui cherche à faire table rase du soutien des hommes et femmes du Vatican pour diriger seul, selon sa propre vision de Dieu. La dimension de serviteur est évincée pour celle de pouvoir. Dès son premier rêve en tant que Pape, il promulgue son sens de la liberté « faire ce qu’on veut » : un idéal très immature, où la sagesse et le respect de l’humanité de l’homme sont inexistants.
Interviewé, Jude Law affirmait : « Je suis sûr que quelqu’un quelque part sera offensé par la série mais c’est ce que raconter des histoires doit faire. Cela doit amorcer des discussions, des débats, ouvertement, librement et de manière diplomatique… J’espère que ça sera le cas ! »
L’élection d’un jeune cardinal
La série débute par l’intronisation de Lenny Belardo, jeune cardinal de 47 ans. Enfin un Pape jeune, moderne, et un bel homme ! La foule du Peuple de Dieu rassemblée sur la place Saint Pierre est présentée comme illuminée dans l’attente, dans une admiration inconditionnelle d’un inconnu qui finit par les choquer.
Cette série présente une quantité impressionnante de clichés qui défigurent le monde croyant, les prêtres, la vie religieuse, et aborde de manière frontale et simpliste les grandes problématiques de la morale familiale et sexuelle.
Rien de très vulgaire dans cette série américaine, mais une ligne continue pour montrer uniquement les fragilités humaines des hommes de la Curie grâce à un pape jeune, séducteur, bellâtre, fumeur, profitant de sa place pour des caprices de première-star en réclamant son « coca cherry » au petit déjeuner. Cet homme aux pratiques modernes surprend par ses actes, ses options. Nombre des répliques sont parfois comiques et font sourire. Mais un malaise profond ressort de cette personnalité en quête de pouvoir absolu : une froideur, une incapacité à écouter l’autre, une détermination à casser les personnes et un système en place pour instaurer ce qu’il a décidé sans consultations, sans discernement. Pie XIII fait reculer l’être humain évinçant toute référence à la parole de Dieu, dans le seul but d’imposer sans faire cheminer les personnes.
L’absence de l’Esprit-Saint
Fixons nos regards sur Pierre : lui a-t-il été demandé de mener une barque, sans se préoccuper des passagers ou de faire grandir en humanité les passagers en abordant les problématiques ?
Le grand absent de la Papauté de Pie XIII est sans nul doute l’Esprit Saint qui n’apparaît que sous forme d’une seule plume de colombe, un petit reste comme s’il avait été mis à mort en plein vol. Oui, cette série met à mort une espérance en l’homme capable de mener la barque de l’Eglise en servant par une écoute des autres et de l’Esprit.
Soeur Marie Guillaumin, CSJ