Dieu se fait homme ! il faut un coeur éveillé et attentif pour le reconnaître dans ses étranges épousailles avec l’humanité. en son Fils Jésus, il nous dit sa proximité et son Amour. il rend leur dignité à ses enfants et leur redonne déjà la splendeur qu’ils retrouvent pleinement en étant régénérés dans la mort et la résurrection du Christ. Depuis quelques années, la présence de crèches de Noël dans l’espace public fait débat. une curieuse perception de la laïcité est heurtée par la seule vue d’un enfant couché dans une mangeoire, entouré d’un père et d’une mère et de quelques animaux. il faut bien chercher pour trouver là un signe ostensible de la religion. Seule la foi parle du mystère de l’incarnation. il est quand même étonnant qu’elle puisse à ce point, malgré les vents contraires, marquer les esprits de celles et de ceux qui disent la méconnaître ou l’ignorer.
Nul n’est tenu de croire que Jésus de Nazareth est le Fils de Dieu. Personne ne peut cependant ignorer qu’il existe un lien d’origine et de sens entre une fête chrétienne et son déploiement au sein d’une société qui l’a inscrite dans son histoire, ses traditions, ses pratiques, ses réjouissances et son commerce.
L’Église ne confisque pas plus son calendrier qu’elle ne s’approprie Dieu Lui-même ou sa Parole. L’opinion ne peut tout de même pas lui reprocher de souhaiter que Noël reste Noël. Tant mieux si la paix, la joie, le pardon, le partage, l’accueil qui sont annoncés autour du nouveau-né de Bethléem, fût-ce par des messagers célestes, entrent plus facilement dans le bien commun de l’humanité une nuit de Noël. il serait malhonnête de ne pas montrer où, pourquoi et comment ces trésors ont encore un impact sur les hommes et les femmes de notre temps. Que serait un cadeau dont le bénéficiaire voudrait faire totale abstraction du donateur ?
Cacher une crèche, la réserver aux seuls lieux privés ou aux églises, c’est nier notre propre histoire ou, pire encore, tricher avec elle. Mesurer le temps à partir de la naissance de Jésus de Nazareth constitue un signe bien plus contraignant que de s’arrêter librement pour contempler le spectacle de la crèche où qu’elle soit installée, ou à l’inverse de passer son chemin.
Un autre volet de notre histoire fait tout autant comprendre que des bâtiments publics ou administratifs n’abritent pas des emblèmes et des signes qui ne correspondent pas à leur destination et à leur mission.
Cette réserve n’exclut pas la reconnaissance dans un espace plus large de tous les symboles qui renvoient à des réalités qui ont façonné, qui façonnent, pour leur part, notre art de vivre ensemble. Va-t-on nier que la fête de Noël, avec sa crèche, relève de cette catégorie ?
Pour nous, membres de l’Église, l’essentiel est encore ailleurs. La venue du Fils de Dieu abolit les frontières. Certes, nous nous rassemblons dans nos cathédrales, nos églises, nos chapelles, nous prions en famille dans nos maisons. Nous savons cependant que Dieu nous fixe constamment rendez-vous au coeur de l’humanité qu’il visite et habite de l’intérieur par son Fils. A nos yeux, les signes les plus ostensibles de Noël ne sont pas les figurines qui habitent les crèches façonnées par nos mains. ils sont donnés par les foules immenses qui habitent
nos rues comme notre quotidien. Dieu nous fait déjà voir en elles l’échange merveilleux entre Lui et elles. Par lui nous est donnée la vraie joie de Noël. Sans doute ce signe est-il encore imparfait. L’invisible que Dieu réalise n’est pas totalement perceptible, mais nous sommesappelés à l’aimer.
La troisième préface de la Nativité exprime merveilleusement ce mystère : « Lorsque ton Fils prend la condition de l’homme, la nature humaine en reçoit une incomparable noblesse ; il devient tellement l’un de nous que nous devenons éternels. »
Crèche ou pas crèche, ce signe ne pourra jamais nous être enlevé !
Bonne fête de Noël !
+ Jean-Paul Jaeger